Un métrage, une image : Les Bas de soie noire (1981)
Un huis clos, un piano : nous (re)voici bel et bien chez Burd Tranbaree, c’est-à-dire aussi le cinéaste de l’autarcique et mélodique Clarisse (1979). En partie auto-produit via sa société Shangrila, of course baptisée d’après un fameux Capra (Les Horizons perdus, 1937), flanqué du soutien financier d’Alpha France, la boîte adroite de l’incontournable Francis Mischkind, musiqué par le plutôt inspiré Paul Vernon, pseudonyme de naguère d’Alain Goraguer, encore éclairé par Pierre Fattori, Les Bas de soie noire ne donne pas l’occasion d’à nouveau apercevoir l’épouse « soumise » et infine violée « à l’insu de son plein gré » Brigitte Lahaie, mais celle de découvrir la gracieuse et malicieuse Christine Schwarz, performeuse éphémère d’une autre époque adhoc, ici bien servie selon les « suspects habituels » de ce type de productions, dont le solide tandemAllan & Aveline. Il s’agit, résumons, d’un supplémentaire récit d’éducation, au cours duquel une jeune fille pas si difficile de vingt ans vite apprend à devenir une « maîtresse femme », ou plutôt une « grande pute », elle suppute, ne se dispute. Aussitôt arrivée, la mâchouilleuse un brin boudeuse se voit prise en main(s), au propre, au figuré, remise aux bons soins d’une domesticité très rapprochée, mention spéciale à la « bonniche » lesbienne, qui va se faire un plaisir de la guider telle autrefois à travers l’Enfer la Béa de Dante. Film de mises en scènes jamais malsaines, de voyeurisme mis en abyme, Les Bas de soie noire se place sous le signe d’un maternel destin, dispose d’un miroir sans tain, d’un judas jubilatoire derrière un tableau de cabinet rococo. Au sein du solipsisme spéculaire et du décor à la Marc Dorcel, les invités passent leur temps et leurs soirées aux cartes à jouer, au champagne à sabler, à baiser à satiété entre messieurs et mesdames à l’aise, aisés. N’en déplaise aux cinéphiles de tous les sexes à tendances marxistes, nulle révolution à l’horizon, davantage une démocratie drolatique de désirs assouvis, d’égalitariste orgie, de pseudo-domination masculine détournée en duperie paritaire. Succès en salles, Les Bas de soie noire ne s’avère ni excitant ni émouvant, pourtant bon enfant et tout sauf malséant. Huit ans avant, Claude-Bernard Aubert se souciait de L’Affaire Dominici (1973) en compagnie d’un certain Gabin ; dans la France d’une enfance, en train de fissa se transformer en royaume mitterrandien, sinon florentin, il se limite à filmer en professionnel impersonnel des ébats délestés du moindre débat, l’instantané d’un ciné du passé, dépassé, consacré à « ces petites choses qui créent de grands émois », bouts d’étoffe fétichistes censés adoucir la chair triste et signe en sus un éloge de l’infidèle fidélité.