Un métrage, une image : Gueule d’ange (1955)
À Jacqueline
Gueule d’ange commence comme se termine Panique(1946), fête foraine défaite, mais Marcel Blistène, ses Amants de demain (1959) salué par mes soins, à la différence de Julien Duvivier, ne s’inspire de Simenon afin de cartographier un pays, une patrie, en proie à l’antisémitisme et à la furie, acerbe façon de régler ses comptes avec ceux qui l’accusaient d’être allé ailleurs se planquer pendant l’Occupation des Teutons. Basé sur une chanson de Charles Dumont, revoilà Piaf, sa moralité soignée, appliquée, c’est-à-dire, traduisent les sarcastiques et les critiques, surtout des Cahiers, sclérosée, asphyxiée, à l’image du moment d’antan, « transit » des frileuses fifties, dans la vie, sur un écran, relit Laclos davantage que Madame Bovary, l’experte « provinciale » en faux tableaux à deux balles valide et emballe. Puisqu’il n’existe « plus de place aujourd’hui pour les héros », voici venu le temps des escrocs, des salauds, voire des assassins (Duvivier, 1956) bien point rimbaldiens. Le dépressif du spécialiste Maurice, prénom repris par la fiction, il faut attendre les ultimes minutes pour découvrir son vrai nom, « ne veut rien », surtout pas d’un bambin, grand « enfant » lui-même énamouré d’une Romance à la Colette & Sand déguisée, mère amère « à louer », au propre, au figuré, sens duel, inceste peu sensuel. Toiles en toc, colliers camelote, « coup » de casse, de poing, pour rien, autant de manières singulières de tester les limites du cynisme, sinon de skier en Suisse. Même face à la menace de l’excellente Rosy Varte en ex-taularde revancharde, la maîtresse femme ne désarme, chienne de Lucienne. Tout finit à Orly, elle s’en fout, la rétablie Marie, materdolorosa ressuscitée/relookée en hôtesse pressée à café pas froid, elle trouve son mauvais ange « changé », désormais démasqué, en écho à la comtesse démocrate au miroir dessaloir. Le raté « rate tout », supposons aussi son esquivé suicide, les femmes « folles » se suivent et de lui décident, des sexes guéguerre, incluse bistrotière. La fraternité du « demi-frère », surnommé Caniche, chiche, Philippe s’en fiche, son « bonheur » sans malheur lui donnerait un haut-le-cœur, il désire l’inaccessible, la grâce de la « garce », plaisant pantin d’un mélodrame œdipien, où un massage homoérotique entre mecs musclés ne saurait certes suffire des infinies « saloperies » à se purifier. Délesté de la beauté diabolique évidemment du démon Delon, Ronet rencontre une clique de connards en costards, son jeu dangereux de « solidarité masculine » le désole et le déprime, l’arrime et le ruine. Après une gifle en bisà la sévère Viviane, il jette son flingue tel Clint son insigne (L’Inspecteur Harry, Siegel, 1971). Ni Dora Doll brunie, ni la mimi Yoko Tani, supposé « exotisme » en série, ne le dérident et Verchuren se traîne. Ce monde médiocre, ce royaume du fric Moloch, cet intime noir, beau boulot du DP Isnard, il va falloir Le Feu follet (Malle, 1963) afin d’enfin les enflammer, de cette fois-ci réussir sa sortie, à défaut de savoir vivre sa vie, jouer au gigolo rigolo, baiser sans y songer, de fermer sa belle gueule, en effet…