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Sonny Boy : Le Secret de la pyramide

 

Au miroir, se voir, se décevoir, reflet d’humanité tourmenteuse et tourmentée…

L’orphelin affolant et affolé de SonnyBoy(Robert Martin Carroll, 1989) transforme fissa L’Enfant sauvage(François Truffaut, 1970) en gosse policé ; quant au clan de cannibales de La colline a des yeux (Wes Craven, 1977), comparé à sa famille à fond dysfonctionnelle, il fait figure de modèle de normalité. De la même manière, ce grand petit film libre, à la fois westernmoderne, conte d’éducation déplorable et impitoyable tout sauf (à la) con, comédie noire et mélodrame identitaire, éclaire d’une crue lumière le mépris, l’ineptie, de notre médiocre modernité, de son ciné vacciné, aux téléfilms friqués, à peine dissimulés, au mainstreammuselé. Davantage différent que déviant, souvent surprenant et inextremisémouvant, SonnyBoy date donc de la fin des années quatre-vingt, il attendit deux ans avant d’être distribué, voire sacrifié, il ne connut aucun succès, qu’une carrière écourtée, cependant il se situe en « 1970 » et paraît appartenir au cinéma des seventies, à leur audace radicale, à leur révisionnisme dépressif. Tournées au Nouveau-Mexique par une transalpine équipe technique, ces (més)aventures masculines du triste Sonny, féroce et fragile fils adoptif d’un ogre et d’un travesti, comme si soudain Ben-Hur (William Wyler, 1959) croisait la (dé)route de Priscilla, folle du désert (Stephan Elliott, 1994), séduisent ainsi  à chaque instant, à chaque composé plan, dès le début, dès le désert survolé en hélicoptère, au-dessus d’une voiture à vive allure, topographie de cinématographie tissée à un brasier, parallèle des périodes, rencontre quantique des trajectoires fatidiques.


Avec sa Lincoln Continental à la JFK, sa langue coupée à la Mesrine (André Génovès, 1984), sa foule affreuse et furieuse à la Frankenstein (James Whale, 1931), ses ralentis de tuerie presque à la Peckinpah, SonnyBoy s’avère vite un subjectif récit de survie, de violences en série, dommage pour le maire, tant pis pour le prêtre, un martyre à la dimension christique, à la rédemption non définitive, cf. l’ultime image, anti-héros de dos, fenêtre ouverte, amoureuse aperçue, souvenir en voix off morose, malgré les mots à mettre sur ses maux, « la douleur demeure », indeed, une parabole tragique et drôle, molto catho, sculpture du Seigneur, crucifix de chirurgie. Écrit par le clipeur Graeme Whifler, signé d’un réalisateur assuré, l’item méconnu possède de surcroît un casting choral exemplaire, mentions spéciales à Brad Dourif & David Carradine, à  Paul L. Smith & Michael Griffin. Lorsque Rose se propose puis s’interpose, Powers Alexandra sur sa vespa, Sonny sourit, s’oublie, hélas une chasseresse revêche chasse les caresses, la « meute » malsaine se ramène, puisque orpailleur trucidé ici, pas ailleurs, disons du côté de la Californie, eldorado douteux, éden ludique doté d’une « beauté » ensoleillée, souillée, la vengeance vandalise la réserve familiale, pyramidale, où entreposer de l’électroménager dérobé, trafiqué, dont de motels d’éteintes – et en noir et blanc, tu m’en diras tant – TV. Rescapé, retapé, Sonny dit « non » et dit oui à la vie, merci au « singe » (!), au toubib alcoolique.

Révolté à la Camus, coupable et innocent, il ne sait que la doctoresse philosophe comme Samuel Beckett, « tout le monde est fou, Max », affirme-t-elle à (dé)raison, il ignore encore sa nature et son sort, tandis que s’élève à nouveau la voix de Carradine, sa ballade mélancolique, clin d’œil à Dorothy (LeMagicien d’Oz, Victor Fleming, 1939) compris. Le David Lynch de Sailor et Lula (1990), autre roadmoviese souvenant de Judy, connaissait-il tout ceci ? Peut-être, peu importe, SonnyBoyreste à (re)découvrir, à applaudir, moralité douce-amère, vibrante et vénère, à propos de parentalité, de conditionnement, de liberté, de mouvement – en résumé, une fable affable, adressée au présent atterrant.     


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