Un métrage, une image : LeFanfaron (1962)
Ilsorpasso commence comme Carodiario(1993), Rome nécropole, travellingavant de véhicule en mouvement. Si Moretti partait en pèlerinage auprès de Pasolini, Risi, covoituré avec Maccari & Scola, creuse la fosse, voire le ravin, du fameux miracle économique italien. L’étudiant Trintignant croise donc la (dé)route du grand adulescent Gassman, tandemde mecs modèle des mêmes (Parfumdefemme, 1974 LeFoudeguerre, 1985). Assis à la place du mort, à côté du matamore, il finit dans le décor, ersatz en extase de Werther le suicidaire. Matrice apocryphe du EasyRider(1969) du connaisseur Hopper, autre roadmovie masculin, encore moins serein, désenchanté, à succès ; satire sociale à base d’hédonisme, d’infantilisme, de cynisme, de racisme, de nostalgie du fascisme, de capitalisme assumé, de vide et de vulgarité, de petite bourgeoisie rurale et rassie, cheveux détachés, rattachés, d’un soupçon d’homophobie, de vitesse et d’ivresse, de puissance et d’impuissance, de danse et de contredanse, de timidité présente, passée, de solitudes à dépasser, au risque de trépasser, de problématique paternité, de jeunesse pourchassée, de gérontophilie pratique et pratiquée ; cartographie en direct, insitu et invivo d’une civilisation des loisirs qui donne envie de vomir, de traverser ou davantage de semer sa « joie sinistre », tant l’étaie un totalitarisme complice, car elle carbure à la consommation, à l’acculturation, à la médiocrité en horizon, en situation(s), PPP opine, trépigne, le métrage souvent amusant, parfois émouvant, toujours élégant, roule à tombeau ouvert, multiplie vite les signes explicites, chair étrangère d’allemand cimetière, cadavre de macadamaux funérailles de frigidaires. Il s’agit ainsi d’un voyage de vacance(s) estivale, triviale, létale, d’un itinéraire solaire et funéraire, d’un aller simple pour le festif enfer, en écho à Pinocchio, ponctué de piques drolatiques adressées à Andreotti & Antonioni, Lollobrigida & Loren. On n’y voit l’invisible Valeria, on se contente de Catherine Spaak en bikini (et lunettes). Nietzsche fortiche en généalogie, de la morale et de la tragédie ? Risi, maestro de la tragi-comédie, de l’humoristique mélancolie, option psy, lecteur racé, élancé, lucide et ludique, de la dialectique délocalisée, motorisée, du dionysiaque et de l’apollinien, Mario & Bruno, alterego de Candide & Méphisto, le valent bien. De manière douce-amère, l’opus picaresque répond à distance, à sa mesure, à vive allure, au constat cruel et crucial de Ladolcevita(Fellini, 1960), autre fable infanticide, fresque de peste, tandis qu’à la Rome, ville ouverte (1945) de Rossellini succède celle-ci, déserte idem, de valeurs nocives envahie aussi, ruinée, enrichie. Logique et symbolique, la coda déboule en gueule de bois, rime à moitié magnanime à l’accident inclément du Salairedelapeur(Clouzot, 1953). En définitive, férié ou pas, le trépas nous attend tous au tournant, cabosse nos carrosses, enfonce l’enfance, massacre l’amitié, transforme fissa une parenthèse balèze en destinée délestée d’identité…