Un métrage, une image : Dementia (2015) + WingChun (1994)
Disons donc un diptyque de scriptsécrits par des femmes différentes : d’un côté, le drame indépendant Dementia de Mike Testin, rédigé par Meredith Berg ; de l’autre, la comédie d’action WingChunde Yuen Woo-ping, due à la plume d’Elsa Tang, aussi co-scénariste de Il était une fois en Chine (Tsui Hark, 1991). Le premier opus constitue un huis clos sado, caticide inclus, à base de sévices et d’évasion au Vietnam, de violence faite à une femme (veuve de vil vétéran), de vengeance de descendance. Il oppose l’ancêtre Gene Jones (No Country for Old Men, Ethan & Joel Coen, 2007) à la jeunette Kristina Klebe (Halloween, Rob Zombie, 2007) relookée en fausse infirmière, adversaires very vénères, infine enlacés en un seul suaire, comme si Misery (Rob Reiner, 1990) soudain se mâtinait de féminisme fol et féroce, sus à l’ancien alcoolique maltraiteur de maman, au final effondré devant sa petite-fille dessillée, ne lui refilant le décisif « fluidifiant » (ni les secours n’appelant, à son papounet, elle ment). Le deuxième item relit la vie déjà légendaire d’une héroïne de Chine, dont le prénom désigne bien sûr un art martial, elle-même formée par une nonne pas conne, auxquelles la belle Michelle (Yeoh, sortie de The Heroic Trio, Johnnie To, 1993) et la pionnière Cheng Pei-pei (L’Hirondelle d’or, King Hu, 1966) prêtent leurs traits altiers, leur talent polyvalent. Au cours d’un conte (de cinéma madein HK) de kung-fu d’autrefois, on croise de vivants villageois, deux « singes » narquois, une femme forte et (fr)agile, vendeuse de soja, victime de célibat, une veuve ravissante et ravie, qui apprend vite de la séduction commerciale la stratégie, une tante à l’haleine de hyène, aux griffes de tigresse, un étudiant doté d’argent (Waise Lee, débutant du Syndicatducrime, John Woo, 1986) et un ami d’enfance fissa transformé en mari(é), l’éternel Donnie Yen du récent IpMan4 (Wilson Yip, 2019). Si, durant quatre-vingts longues minutes, la petite production américaine se traîne, étire sa démonstration domestique, au manichéisme à main armée, son pendant d’Orient s’avère sans cesse amusant, stimulant, discrètement émouvant. Sur une base identique, des sexes la difficile et/ou ludique dialectique, voici en définitive de parallèles perspectives, des regards de mouroir ou encore capable d’y (faire) croire. WingChun cède à Dementiasa misandrie, son dolorisme, sa pseudo-justice expéditive, extrême inextremis, il régale de sa grâce, de sa douce audace, jeu joyeux et généreux sur les gens et les genres, où un type acrobatique, machiste, se fait émasculer, pour rigoler, à la boule embrasée, où un plan pudique, de sein à peine dessiné, aperçu, recèle une sorte d’érotisme sublime, où un sourire de nostalgie, au coin du feu, suffit à identifier une déguisée féminité, ensuite réinventée en « mère » guère austère, aux « garçons » à terre, simulacre de matriarcat sympa, en souple épouse de coda consensuelle, pas si conventionnelle, certes très hétérosexuelle. Dementia et WingChun ainsi documentent des discordances d’écriture, de culture, de style et de sens. Au-delà de la part du téléaste anonyme, cacochyme, du cinéaste-chorégraphe magnanime, Meredith demeure à l’anecdotique, alors qu’Elsa remporte le combat, conteuse malicieuse…