Un métrage, une image : DraculaauPakistan (1967)
Découvrant Dracula au Pakistan, on sourit souvent, pas contre, avec, puisqu’il manie, à l’image du principal personnage, le docteur baladeur le félicite de sa réplique drolatique, le fou rire et le raisonné frisson, du contemporain, plus connu, plus pourvu, Le Bal desvampires (Polanski, 1967) à l’unisson. Pourtant, pas question ici de moquerie, de mélancolie, costumée, annoncée, Sharon à chérir, avant, après le pire, plutôt d’une valeureuse variation, d’une réflexion en action(s), sur le désir, l’adultère, la famille, la foi. Surprise ultime du métrage de morale (pas seulement) musulmane, prologue en voix off d’explicite hubris, seul Allah la vie, la mort « dominer » doit, voilà, on y apprécie, aussi, une scène superbe, de féminine insatisfaction sexuelle, quand Shabnam, mordue, au propre, au figuré, de l’amant mort-vivant, du « cadavre vivant », traduction inEnglishdu titre d’origine, l’attend de toute son âme, pour lui se damne, lui ouvre les portes comme elle écarterait ses invisibles et pudiques cuisses. Ceci ne suffit, il faut, en sus, que l’assistante dansante du scientifique excite le visiteur sans peur, s’étale sur une table, tentatrice irrésistible, risible, sublime, qu’une seconde danseuse, la spécialiste Zareen Panna, performeuse classique, à clique politique cosmopolite, exécute, en public, une sorte de twistépicé, sexualisé, en regard caméra, regarde-moi, reine espiègle d’un hôtel-cabaret, au réceptionniste informé, impliqué, dénommé Golden Crown, alors que Stoker, paraît-il, appartenait de son côté à l’ésotérique et « hermétique » Aube dorée (Golden Dawn, of the Dead, diraient en tandemArgento & Romero), que des demoiselles suaves et sensuelles pique-niquent aussitôt au soleil, souples à l’instar des starsde Bollywood, vocable concon, d’usage courant, accompagnées d’une chansonnette experte, aux paroles pas idiotes, parlotte de litote, en rime à celle du saxophoniste complice. Dit autrement, écrit cru, Dracula au Pakistan carbure au cul, au Ça, celui de Freud & King, à l’effet, à l’effroi, à la cape, au drap, au suce-moi, au couche-toi là. Le comité de censure local, lucide, magnanime, ne s’y trompa, fissa, pas de fesses, toutefois, X le classa. Bien sûr, pareilles mésaventures durent laisser ou rendre froides les féministes d’Islamabad, effarées du défilé de mecs cravatés, à main armée, couteau phallo molto, très (pré)occupés à poignarder un « deuxième sexe » subjugué, asservi, émancipé, puni. Mais l’item, Dieu merci, ne se soucie de mimi(sérable) misogynie, adoube des bagnoles, substituées aux fiacres d’autrefois, branchées sur Le Barbier de Séville ou La cucaracha, des bébés enturbannés, à boire, une Bébé, nièce déniaisée, au désespoir, une bagarre finale d’anthologie, un final aux sourires jolis. Si l’ensemble ne vous décide à vite visionner, viaARTE, l’œuvre vivante du méconnu Khwaja Sarfraz, scénariste/cinéaste éphémère, d’une précédente variante de l’increvable Devdas (1965) apriori le père, saluons en conclusion son casting choral convaincant, charmant, chatoyant, mention spéciale à Rehan, Jekyll & Hyde aux « bonnes intentions » infernales, dont les fameux « enfants de la nuit » ne pâlissent face à ceux de Lugosi (Dracula, Browning, 1931), la masculinité mutique ne démérite, déduit Lee.