Un métrage, une image : Downton Abbey II : Une nouvelle ère (2022)
Même muni d’une mise en abyme, même en mode méta, on ne décèle pas un seul instant de cinéma au sein de ce téléfilm de luxe, issu de la célèbre série télévisée à succès, sinon disons à l’occasion d’une surimpression de disparition, retrouvailles de retour au bercail substituées de façon feutrée à la foule des funérailles. Le mélodrame historique de Curtis ressuscite ainsi et aussi le tourisme sudiste du compatriote Hitchcock (La Main au collet, 1955), mais l’œcuménisme assumé du scénario signé de l’incontournable et oscarisé Julian Fellowes (GosfordPark, Altman, 2001) se situe en réalité du côté de E.T., l’extra-terrestre (Spielberg, 1982), autre récit de sociologie, de territorialisation des relations, L’Homme tranquille (Ford, 1952) à la place de Chantons sous la pluie (Donen & Kelly, idem), pardi, dénoue tout, transforme inextremis la star insupportable en fragile orpheline, de sa sœur, malheur, emportée par la grippe espagnole, je rigole, contourne le cancer et se limite à de l’anémie, tendresse de comtesse, insère le décès de l’increvable Maggie Smith au creux du cycle infini de la vie, cf. la coda de (re)naissance, de persistance. Parmi une autarcie portée au carré, délocalisée, aux accessoires, costumes, décors et casting impeccables, aux productionvaluesà ce titre caractéristiques d’une partie de la production britannique, sur petit ou grand écran, deux lignes narratives se dessinent, la première, privée, questionne les origines, la seconde, publique, reconstitue l’avènement du parlant. Comme l’ex-majordome infine réintégré, entre les bras de Lady Mary serré, Violet Crawley méprise le ciné, ne veut le voir ni l’écouter, elle désire, alitée, entourée, en silence s’en aller. Chez ces gens-là, personne ne fait caca, aucun éclat, de cœur, de voix, les maîtres et les valets vivent en harmonie, en synergie, respect partagé, bienséance en France affichée, caméos à la con de Baye & Zaccaï inclus. Puisque la lutte des classes paraît une impossible impasse, place au soap, au pedigree, au tournage à ratages et ramages très bien payé, de quoi réparer le toit, à l’ancien serviteur devenu instituteur et scriptdoctor improvisé, au flirtdu discret producer/director et de sa doubleuse fidèle, à celui de Dexter (l’acteur, pas le tueur) & Barrow, molto homo. Produite par le petit-fils de Neame, éclairée par Andrew Dunn (GosfordPark, bis), musiquée par John Lunn (Grantchester), tournée au château itou utilisé par Stanley aux yeux grands fermés (EyesWideShut, 1999), cette suite évite de (sur)prendre le moindre risque, démine en définitive ses enjeux dangereux, tandis que le De Palma des Incorruptibles(1987) puis de Mission impossible (1996) massacrait, au propre, au figuré, les matériaux d’origine, bis, que le Lynch de Twin Peaks: Fire Walk with Me (1992) détruisait, rageur, un téléviseur. Malgré un intitulé doté de nouveauté, Downton Abbey II s’avère vite un divertissement conservateur, sans saveur, délesté de couleur (de peaux, d’idéaux), consolant ou désolant, la perspective suivant. Ce cinéma-là, idyllique, anecdotique, donnerait presque raison aux réductions hors de saison du miro Truffaut, du lascar Godard. Demeure donc le visage vieilli de l’émouvante Miss McGovern (Il était une fois en Amérique, Leone, 1984), compagne du cinéaste, baiser passionné, assorti d’une interrogation science-fiction : et si Loach Kenny réalisait ceci (si Macron acceptait la soumission de Mélenchon) ?...