Un métrage, une image : L’Arbalète (1984)
À Jacqueline
Voici disons quatre décennies, le Front national n’atteignait le haut niveau du Rassemblement homonyme, synonyme, les migrants de maintenant demeuraient des immigrés, le sida sévissait déjà, se dénonçait du côté du Bois, la guerre d’Algérie ne paraissait pas finie, en tout cas pour le fonctionnaire Falco, rapace froidement furax, émule de Machiavel, aux sympathies néo-nazies. Parmi Paname en pleine pénurie de came, leçon du Capital appliquée à la Capitale, les amitiés marseillaises suscitent le malaise, l’opposition des policiers, cynisme versus moralité, rappelle un peu celle au cœur du Tueur(de La Patellière, 1972), pareil la prostituée symbole de lucidité, de pureté. Tandis que les indics se recrutent puis se culbutent au sein d’une scène style Cruising(Friedkin, 1980), la France s’affirme ainsi, par métonymie, fébrile et fracturée, découpée en quartiers, en bandes, en gangs, en catégories désormais classées ethniques, choc et chic. Face au flic fasciste, un flic cinéphile ; face à l’endurci, à l’endeuillé, sa tendresse de solitude réservée à domicile à un volatile à la Melville (LeSamouraï, 1967), salut aussi à Bourvil, commissaire Mattei made in Normandie, à ses chats chéris (Le Cercle rouge, 1970), des affiches de TaxiDriver (Scorsese, 1976) ou Bonnie et Clyde (Penn, 1967), un baiser à la frisée, veuve mais pas trop point à la Pfeiffer, quoique (Married to the Mob, Demme, 1988), une infiltration de territorialisation en forme d’oraison. Le stratégique et le diplomatique se terminent en massacre inique, en hommage médiatique, œcuménique, la presse de plusieurs couleurs politiques félicite l’inspecteur dépourvu de peur, à la calme et payante fureur. Au terme du coup de torchon à la Thompson, davantage qu’à la Tavernier, les adversaires se font face une dernière fois, à main armée, Vincent moins désavoué. Ni Les Guerriers de la nuit(Hill, 1979), ni La Guerre des polices (Davis, idem), L’Arbalète relève de la topologie plutôt que de la sociologie, prend acte du réalisme patraque de LaBalance (Swaim, 1982), ne laisse à personne une seconde chance. La caméra filme sans merci la fatigue et la maladie de Marcel Bozzuffi, la désinvolture étudiée d’un Daniel Auteuil sur le seuil de la célébrité, comprendre de la reconnaissance, professionnelle de la profession, critique et publique, merci à Pagnol (mal) relu par Berri (Jean de Florette + Manon des sources, 1986), la beauté aristocratique et démocratique de la sous-estimée, francophone, Marisa Berenson, capable d’émouvoir d’un regard, ici et jadis chez Visconti (Mort à Venise, 1971) & Kubrick (Barry Lyndon, 1975), ensuite selon Eastwood (Chasseur blanc, cœur noir, 1989). Muni d’humour et d’ironie, de répliques irrésistibles, impossibles à dupliquer aujourd’hui, susceptibilité de VRP, vocabulaire surveillé ; ponctué de caméos, citons ceux de Beaune, de Bankolé, Descas, Piotr Stanislas ; signé d’un Sergio pas aussi acclamé, doué, que ses compatriotes à prénom homologue, les Corbucci, Leone, Sollima, voilà, pourtant producteur de Ferreri (Conte de la folie ordinaire, 1981), Polanski (La Jeune Fille et la Mort, 1994), Jessua (Les Couleurs du diable, 1997) ou Argento (Dracula, 2012), le divertissement du temps de Gobbi, co-écrit avec le fidèle Daniel Ubaud, musiqué par Revaux, souligne la morbide immaturité masculine, la souffrance de la clairvoyance féminine, fable fragile, pas si futile, au sujet du racisme, en sus de la solidarité…