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La Nuit bengali

 

Deux métrages, deux images : Charulata (1964) + LeLâche (1965)

Il convient de visionner d’affilée l’apocryphe diptyque, aussi funèbre que le célèbre Salonde musique (1958), remarquez le clin d’œil à la comédie musicale manière Mumbai, le concert à domicile, à coffre-fort de fric facile, le jazz d’impasse, de station-service pas si étasunienne, dommage, James M. Cain. Vaudevilles inversés, c’est-à-dire dramatiques, contes cruels découpés au scalpel, métrages méta aux accessoires sympas, lunettes et fenêtres suspectes, surcadrage d’exposition en plan-séquence, scénariste si triste, Charulata + LeLâche ne se réduisent, n’en déplaise à leurs titres explicites, à leurs exégètes extatiques, d’hier et d’aujourd’hui, le principal intéressé compris, à des portraits de femmes, des études insitu, des moralités en circuit fermé. On reprocha parfois au réalisateur majeur un humanisme mimi, naïf, comme au confrère Kurosawa, admiré, admiratif ; rien de ceci ici, Dieu merci, car Ray, en sus compositeur, en écho à Carpenter, carbure à la confiance, au sens, congédie la seconde chance, arrêt(s) sur image(s) de mains et de couple et de serviteur séparés, déjà décédés, merci à l’immobilité du ciné, esquive un suicide style AnnaKarénine, le train, autre outil de mise en abyme cinématographique, chic, se réfère à ou laisse faire des somnifères moins doux qu’amers. Parmi les opus dialoguant à distance, en correspondance, on découvre des instants assez sidérants, ceux du dessillement, de la lucidité, de la vérité dévoilée, celle du félon beau-frère, de l’adultère littéraire, de l’intime pusillanime. Point manichéen, l’artiste à la caméra mobile, aux zooms arrière et avant littéralement saisissants, les objets, les sujets, n’épargne personne, ni les dames, ni les hommes, souligne l’emprise, pas seulement linguistique, du colonialisme britannique, le pays en partie bengali reflété à deux époques complémentaires et différenciées. Les films de classes, de castes, de politique, de poétique, provoquent vite une asphyxie existentielle, plurielle, puisque empreints d’un pessimisme définitif. Une, deux fois, bisrepetita, l’illusion familiale, sentimentale, dissipée, la désillusion installée, comment continuer, croire, ne pas succomber au désespoir ? Le journal « rival » paraît renaître, tandem de parité, « excellente » idée, il désarme sous les larmes du sec mélodrame, de la révélation d’accumulation, du désastre en fiacre, arrière Emma, Rodolphe, le bovarysme de Flaubert, Tagore, d’accord. Les retrouvailles s’affirment des funérailles, le remords meurt encore, au creux malheureux d’un enfer vert façon Faulkner, sudiste, sardonique, autarcique, alcoolique. Dégrisés d’idéalisme, de romantisme, menacés par le cynisme, le capitalisme, le huis clos inferno, du cerveau, passé à ressasser, à se repasser, sur l’écran à cran, nos anti-héros, j’inclus Charu, se pétrifient sur place, en plein ersatz. La Pénélope pâlotte, muse à mules, se réincarne en épouse impitoyable. Le rédacteur en chef progressiste, sinon de « sédition » indépendantiste, revient en vain. L’auteur et « acteur » finit mortifié, sur un nocturne quai, créature impure qu’imagina Premendra Mitra, lui-même salarié de la SNCF locale, diable. La Grande Ville (1963) éclaire de sa lumière solidaire, électrique, économique, domestique, romantique. Charulata + LeLâche obscurcissent la nuit bengalie, « l’ennui, la tragédie », miroir mouroir malgré une balançoire à la Renoir (Partiedecampagne, 1946). « Boy meets, gets, loses girl », en anglais, en effet, résumé du doublé de culpabilité partagée, décuplée, qui frise le fantastique et le magnifique.   


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