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Exit Plan : Happy End

 

Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Jonas Alexander Arnbyde.

Ce plan de sortie définitive commence donc comme du Lovecraft, message d’outre-tombeau filmé de façon frontale en vidéo ; il se poursuit par un panoramapanoptique éclairé en clair-obscur, digne d’affoler ou apaiser le spécialiste Foucault. Toutefois ce métrage pas si sage, fiévreux en creux, ne se soucie  d’euthanasie, de lointain hôtel tendre et cruel, à rendre celui de Shining (Kubrick, 1980) calme et tranquille. Constamment empathique, discrètement ironique, ExitPlan (2019) s’apparente plutôt à un survival feutré davantage qu’à un mélodrame outré, en cela participe du film horrifique, exercice de catharsis, traversée des létaux supplices vers les vitaux délices. Assureur sur la vie, eh oui, homme aimable, mec aimé, Max se sait désormais condamné, une plus grosse tumeur que la sienne, tu meurs, lui aussi. Aussitôt scanné, IREM immaculé, le voici envolé, le safari en Afrique, cadeau d’anniversaire exotique, il s’en fiche, il file droit en direction d’Aurora, dernier rivage a priori privé de dommage, toponyme antonyme, aux aurores australes crépusculaires et funéraires, dont le capitalisme compassionnel, superficiel, exige en prime, du client agonisant, le passeport, le dossier médical, la carte bancaire, misère. Sur place, tout bien se passe, Max croise le pur Arthur, jeunot perturbé, incapable de se supporter, par conséquent décidé à se supprimer, les types s’étreignent illico parmi le bain chaud, écrin impeccable, imparable, de nocturnes montagnes quasi cordiales. Hélas, la beautiful ending que promet l’employée attentionnée ne survient point, le plan B ne saurait exister, les voisines récalcitrantes, sinon dansantes, deviennent vite des cibles vivantes. Cristallisation du factice de la maison, une actrice sert de doublure impure, perruquée, jugée déjà trop âgée, un peu maman, un peu putain, bipolarité ou pauvreté de l’imaginaire masculin. D’une body doubleà la précédente, Exit Plan fait fissa resurgir le souvenir de l’itou dépressif et humide Femme fatale (De Palma, 2002), mâtine à son tour son réalisme, les moins indulgents diront son formalisme, d’onirisme, rien de plus normal puisque film à moitié mental, Stanley en replay, thé au pavot à gogo. Le  voyage de Laura en mode Marat s’achevait via un éclat coloré, une mosaïque murale ; l’odyssée existentielle et immobile de Max se termine sur une plante géante, en train d’éclore encore, un couple recomposé assis sur un canapé.

Auparavant, de tentatives de suicides drolatiques et dédoublées en cadavres macabres découverts dissimulés, notre Dante du Danemark manque de s’égarer à l’insu de son plein gré, au désespoir de succomber, le cachet ensuite craché d’avaler. Afin de mettre fin à sa volonté d’en finir, sans souffrance, sans déchéance, il faut que la lucide et fidèle Lærke le repêche, au propre et au figuré, second plongeon sous une glace d’impasse. ExitPlanrevisite ainsi un célèbre mythe, l’inverse express: Eurydice suit et sauve Orphée, CQFD.  Le premier essai du cinéaste (When Animals Dream, 2014) suivait en résumé une transformation fantastique et symbolique, d’adolescente lycanthrope, et hop. Le deuxième s’attache de même à une autre métamorphose, certes rosse, jamais morose, celle du réel, de sa perception, de sa compréhension et appréhension, que modifie la maladie, que  ranime l’amour. La veuve déterminée, en effet endeuillée, document reçu récemment, soulignait une absence de vénalité, voulait comprendre, ne plus du doute dépendre. Max, inextremis démuni de miroir à une ou trois glaces, doit dire au revoir à l’image d’un corps promis à la mort, assister, attristé, touriste du suicide, rescapé de la réalité, à sa disparition programmée, à une identité intime, invisible, en train de changer, de le changer, l’avertissait dès l’orée la toubib entre Cassandre & Circé. Le Cronenberg accoucheur de LaMouche (1986) en fit la démonstration supérieure, majeure : au jeu joyeux et dangereux de la vie, de la survie, fi de l’écologie jolie du cycle homonyme, nul ne gagne, l’humanité entière perd, pas d’issue, pas de Ciel devisu, à l’approche de proches, sorry, Jenny. Demeurent le charme et le tourment de l’aventure vécue au présent permanent, le passé distancé, Max en semble délesté, immanent adulte à immédiat tumulte, l’avenir en vérité à proximité du pire, de la certitude de la décrépitude. Porté par un tandem d’une séduisante sincérité, d’une stimulante maturité, beau duo de ciné que créent Nikolaj Coster-Waldau & Tuva Novotny, doté d’une direction de la photo dépourvue de défaut, d’une durée pas trop mal gérée, ExitPlan ne s’avère ni démoralisant ni refroidissant, au contraire réchauffe le cœur du spectateur, d’une manière moins médiocre et en toc que la romance de résilience de RevoirParis(Winocour, 2022), œcuménique émétique. Plusieurs lui préféreront à fond La Gueuleouverte (Pialat, 1974) ou Amour (Haneke, 2012), on ne les prend en otage, leur tropisme on partage, pourtant ce plan-ci ne mérite l’hallali, l’éloge d’hyperbole, sa douceur n’occulte la douleur, le conseil explicite suscite la fuite, mementode peau chérie versusmementomori


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