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"Les Morsures de l’aube"


Les crocs du vampire dans les encoches de la pellicule…


Sur le vampirisme au cinéma, vaste sujet en miroir, on peut, sans crainte, conseiller ces quelques titres, parmi d’autres : La Marque du vampire, film méta qui démasque Lugosi ; Hercule contre les vampires, curiosité psychédélique signée Bava ; Le Survivant, adaptation agréable mais inégale, avec l’impeccable Charlton Heston, du grand roman de Matheson ; Rage de Cronenberg, nanti d’une inoubliable Marilyn Chambers ; Les Vampires de Salem, d'après Stephen King, pour la télévision et par le drolatique Tobe Hooper ; Entretien avec un vampire, de Neil Jordan (qui remit le couvert avec Byzantium), plutôt agréable même si l'on reste assez loin de la sensualité existentielle et tragique d'Anne Rice (le personnage de la petite Claudia métaphorisait un drame personnel) ; Dracula, mort et heureux de l'être de Mel Brooks, à rapprocher, quitte à prendre un pieu en plein cœur, du bal funèbre de Polanski ; Vampires de Carpenter, western enragé à la Peckinpah (cela nous change de Hawks !) ou encore La Comtesse, lecture féministe du destin d’Élisabeth Báthory par Julie Delpy.

Le cinéma, art funéraire, létal et fantomatique, célébré dans des salles obscures comme des tombeaux (Artaud), avec ses rapports de pouvoir et de séduction très « vampiriques » (on ne citera personne, sinon Pialat ou Fassbinder, au sein de centaines de réalisateurs-suceurs d’âme), trouve dans le personnage du Comte et de ses avatars un écho intime à sa propre essence, pas seulement dans ce sous-genre. Ainsi, Personapeut se lire comme la transposition officieuse du Carmilla de Le Fanu, et Mystic River comme un grand film d'horreur réaliste, assimilant la pédophilie au vampirisme (réplique explicite de Tim Robbins), tandis que Blancanieves, dans son épilogue, rendait un double hommage à Murnau et Dreyer. Moralité : sur l'écran, les non-morts ne risquent pas de voir de sitôt l’aube qui les anéantira...


A contrario, les vampires peuvent aussi s’égarer sous les voiles et les projecteurs du cinéma « publicitaire » : l'étreinte lesbienne de Susan Sarandon et Catherine Deneuve sur le Duo des fleurs de Lakmé dans Les Prédateurs (qui apporta notoriété au morceau) ne peut que faire sourire (et annonce son pendant plus fougueux chez le Ozon de 8 femmes, avec Fanny Ardant, cette fois !) ; Delphine Seyrig, en Báthory mélancolique pour Les Lèvres rouges, impressionnait plus. Pour aller vite, disons que la littérature et le cinéma font un si grand usage du vampirisme parce qu'il métaphorise leur processus de création : tous les écrivains et tous les cinéastes vampirisent le monde (et leur entourage, d'où les dommages collatéraux), tandis que les créatures de la nuit, rétives au soleil, symbolisent la condition de tout spectateur. Le cinéma ? Un art de fantômes, qui « fait des films pour les morts et les donne à voir à des vivants » (Carax)…


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