Un métrage, une image : Embrasse-moi, idiot (1964)
Sommet d’immoralité ? Avalanche de vulgarité ? Début de chute ? Beaucoup de conneries, hier, aujourd’hui, circulent au sujet de Kiss Me, Stupid, échec économique, critique, seconde adaptation, cf. Une femme pour une nuit (Camerini, 1952), du succès scénique, à titre explicite, L’ora della fantasiad’Anna Bonacci. Ça s’efface face au visionnage du métrage, parmi les meilleurs de l‘auteur, qui lui-même ne l’aimait pas, le qualifiait de bourgeois, à l’image du Żuławski de justement L’important c’est d’aimer (1975). Modèle modernisé, action délocalisée, actualisée, musiques de Gershwin & Previn à la place d’opéra, demeure un féminisme festif, d’amitié masculine, de complicité féminine. Le désert, on le sait, pourrait rendre cinglé, caravane ou non, renvoyons vers Craven (La colline a des yeux, 1977) & Dumont (TwentyninePalms, 2003, toponyme de tournage partagé), sinon se prêter à la partouze ensablée (ZabriskiePoint, Antonioni, 1970). Cependant ceci n’intéresse le classique, pudique Billy, ni la généralisatrice sociologie, ni le cynisme satirique. Il se moque, il émeut, il n’impose sa camelote de pseudo-misanthrope, il vise, parvient à mieux. Fiction reflet, au carré, construite en boucle bouclée, arrivée, départ, piano stéréo, Embrasse-moi, idiot s’apprécie en petit précis de la fournie filmographie, relecture/manucure du moins solaire LaGarçonnière (1960), itemitou d’ambition, rédemption, commerce sexuel, moral dilemme, se souvient aussi de Sueursfroides(Hitchcock, 1958), des Désaxés (Huston, 1960), mélodrames méta, d’identité dédoublées, congédiés, leur répond à sa façon, plaisante, apaisée : il convient de continuer, d’accepter la réalité, aux allures de conte de fées défait, tel un lit aux draps froissés, de renforcer la fidélité au moyen, en tandem, de l’adultère éphémère, romantisme, réalisme, passe, passe-passe, Beethoven & Beatles mêlés, permutés, abouchés. Point de déprime en widescreen, plutôt le portrait décomplexé, d’allusions spécialisées ponctué, inclus du perroquet, (a)mateur de westernà la TV, le (gang) bangbangbien sûr à sens duel, repris ensuite par Kim conductrice, adieu, les amoureux, d’une médiocrité anonyme, admirée, derrière laquelle se dissimule à peine une attachante humanité, munie de mélancolie, de solidarité, de désir, d’en sortir, de s’en sortir, viens enfin me baiser, bébé, affirme en filigrane Felicia Farr, Lemmon Madame, écho à la coda de Nicole Kidman (EyesWideShut, Kubrick, 1999). Ici, la jalousie pathologique (pléonasme) symbolise l’insécurité pathétique, l’alcoolisme chronique écarte loin de toi la gueule de bois, celle du réel, des trop nombreuses demoiselles, du remplacement maintenant, l’estimable Dean Martin, Mabuse mis en abyme, de quincaillerie vitrine, crooner reconnaissant, parodie pardi sa persona sympa, Casanova du Nevada, l’autre Dino(saure) se découvrant durant l’excellent roman homonyme de Nick Tosches. Sellers absent, Walston étonne, cartonne, pourvu du pamplemousse maousse de l’enragé Cagney (L’Ennemipublic, Wellman, 1931), flanqué de Cliff Osmond, émule hardi d’Oliver Hardy. Bertha & Sophia, Godzilla, puritanisme de pétition, mariage par procuration, Wilder n’indiffère, (r)anime sa comédie, mésestimée mais réussie. Si le rêve américain se vend bien, ne vaut rien, le devoir d’un soir, imaginaire, sincère, libère.